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La Métamorphose
--> Franz Kafka
« En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. »

« En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. » Affublé d'une immonde carapace et de nombreuses pattes faméliques, Gregor ne comprend pas ce qui lui arrive. Sa vie se retrouve bouleversée : à cause de son aspect repoussant aucun membre de sa famille, si ce n'est sa soeur, n'ose l'approcher, et encore moins lui parler. Lui qui se donnait tant de mal à travailler pour nourrir sa famille et leur assurer une belle vie sera rejeté, banni, méprisé, parfois oublié. Enfermé dans sa chambre, isolé, Gregor se rendra compte, impuissant, des changements de sa famille, et découvrira qu'il n'est finalement qu'un poids pour eux.

La Métamorphose de Kafka est une « longue nouvelle » de près de 80 pages, qui se place dans la lignée de ce que l'auteur a écrit. Considérée comme représentative des oeuvres de l'auteur c'est bien souvent elle qu'on étudie, qu'on cite en exemple du genre kafkaïen, et c'est à travers elle que l'on découvre l'univers torturé de Kafka.

Cette oeuvre peut être lue à trois niveaux : une simple nouvelle, un récit imaginaire racontant les déboires d'un personnages, une métaphore de gens considérés comme « différents » et le récit du sort que leur réserve la société, ou encore une sorte de récit à caractère autobiographique, où Kafka transcrit ses émotions et ses impressions à travers les mésaventures du personnage principal.

Je ne m'attarderai pas sur le premier niveau de lecture, puisqu'il n'est pas spécialement intéressant et qu'il est pratiquement expliqué dans le résumé ci-dessus.

J'insisterai plus sur le second niveau de lecture qui est, selon moi, la véritable nature de cette oeuvre. On peut donc voir ce livre comme une métaphore, les personnages étant alors représentatifs de personnes, de classes, ou d'ordres.
Dans cette nouvelle la caractéristique de Gregor, celle sur laquelle repose toute l'histoire, est son aspect : semblable à un insecte il est repoussant, dégouttant, répugnant. Cette apparence d'insecte est ici une métaphore de la différence : Gregor, qui jusque-là était quelqu'un sans histoire, de normal, avec une vie presque banale, devient, sans raison, du jour au lendemain, quelqu'un de différent. La différence physique ne doit pas forcément être prise au premier degré, elle peut aussi représenter une différence d'ordre morale, religieuse, ou intellectuelle.
La réaction de la famille de Gregor montre celle des gens face à la différence : Gregor est rejeté, méprisé, mis à l'écart. Les membres de sa famille, pour qui il a tant fait autrefois, n'osent plus l'approcher, sont écoeurés rien qu'à sa vue, ne veulent plus avoir de contacts avec lui, et font semblant d'oublier jusqu'à son existence. Les rares fois où ils s'occuperont de Gregor ce sera avec mépris et méchanceté, comme le montre le comportement du père qui jette une pomme sur Gregor. Une pomme qui se figera dans son dos, fusionnera avec, et pourrira. Métaphore des conséquences du mépris des gens sur celui qui est différent : un fruit pourri qui blesse, qui fait souffrir, qui ne part pas.
Seule la soeur de Gregor manifestera un peu d'attention à l'égard de son frère, parvenant même à l'approcher pour lui donner à manger et, parfois, lui parler. Mais ce comportement réconfortant, qui apaise et soulage Gregor, ne dure pas, et la soeur finira, comme les autres, par se tenir à distance du monstre.
Persuadés que Gregor est la cause de leurs malheurs, tous les membres de sa famille finiront par l'abandonner. La mort de celui qu'ils aimaient autrefois sera comme une libération, comme un soulagement qui leur permettra enfin d'être heureux. Métaphore de ce que les gens sont capables d'inventer : tout est de la faute de celui qui est différent, simplement parce qu'il est différent. Aucun argument rationnel. Simplement ce que les gens préfèrent croire. La meilleure des preuves étant la raison du succès de Hitler en Allemagne, dans les années 30 : les Juifs, sans raison valable, furent considérés comme source de tous les maux, et furent rejetés et bannis avant d'être tout simplement éliminés. Les gens ont besoin d'un bouc émissaire, et se tournent tout naturellement vers ceux qui sont différents.

Le troisième niveau de lecture, enfin, peut être vu dans pratiquement chaque oeuvre de Kafka, tant celles-ci sont imprégnés des sentiments de leur auteur. Kafka eut, toute sa vie, l'impression d'être incompris et rejeté. Il ne parvint jamais à se mêler aux autres, et parlera, dans son Journal d'un « cercle » qui l'entoure et que nul ne peut franchir. Et cette séparation entre lui et les autres est dûe, selon lui, à sa différence. Mais cette différence n'était pas positive, au contraire, Kafka ne réussit jamais, sauf dans quelques rares et brefs moments, à s'apprécier, à se trouver suffisamment de qualité pour se considérer comme quelqu'un de bien. Et c'est ainsi que Gregor hérite de cet aspect misérable.
On peut donc voir, à travers la situation de Gregor, celle d'un homme qui se sentait seul et méprisable.

La Métamorphose est une oeuvre pessimiste qui nous offre une vision du monde et des gens dérangeante de par sa véracité.
Ecrit par Neko, le Dimanche 4 Juin 2006, 12:07 dans la rubrique Lectures.