Une oeuvre merveilleuse, inconnue et familière, qui pénètre l'âme.

Kafka sur le rivage raconte l'histoire de Kafka Tamura, adolescent fugueur, fuyant son père et la prophétie qu'il a faite contre lui, et de Nakata, un vieillard un peu simplet capable de parler aux chats. Leurs chemins seront sinueux, tortueux, compliqués, et remplis de rencontres insolites : une jeune adolescente familière, un bibliothécaire au sexe indéterminé, une femme mûre nostalgique, et des soldats intemporels pour Kafka ; une chatte nommée Lili, un homme mystérieux en costume, et un jeune routier fan des Chunichi Dragons pour Nakata. Derrière l'errance apparente de ces deux personnages se cache en réalité un destin qui semble déjà tracé, un destin lié à des évènements plus anciens, plus mystérieux. Tout semble tourner autour de la Pierre de l'entrée, Kafka et Nakata y semblent liés. Leurs chemins finiront par se rencontrer, presque malgré eux, et le destin les précipitera vers l'avant.

Kafka sur le rivage est un conte, une histoire merveilleuse, un poème. On entre dans ce livre comme on entre dans son esprit. On est littéralement absorbé. Bien plus qu'un livre Kafka sur le rivage est une oeuvre unique, fine et achevée.

L'étrangeté va croissante, et l'on pourrait presque la trouver gênante, tant elle arrive subitement et s'ancre rapidement dans le récit, mais au contraire elle semble naturelle. Les différentes rencontres que font nos héros semblent illogiques et dépourvus de cohérence et de réalité, et pourtant rien ne reste en travers de la gorge, tout coule parfaitement.

Les deux héros du livres ne sont pas en reste du point de vue de la bizarrerie : l'un, Kafka, est un jeune homme fuyant son domicile, pour échapper à une malédiction que l'on ne découvre qu'assez tard, et existe par-delà son corps, à travers le temps et l'espace ; l'autre, Nakata, est un vieillard à l'ombre à demi-effacée, victime d'une étrange absence durant son enfance, qui effectue une mission le dépassant complètement.

Bien au delà du simple récit de leurs aventures, c'est un véritable monde qui se crée, et que découvrent ensemble les deux protagonistes, et le lecteur avec eux. Plus on progresse dans le livre, plus le mystère de cette Pierre de l'entrée s'épaissit, plus le passé de Kafka est confus, plus son rapport avec la propriétaire de la bibliothèque s'intensifie inexorablement, et plus la prophétie du père de Kafka se fait présente, pour finalement atteindre son apogée à la fin de l'oeuvre, mêlant tous les éléments dans un seul tout.

Cette oeuvre en déconcertera plus d'un. D'une part à cause de sa bizarrerie, d'autre part à cause de l'absence d'explication. Tout semble lié, tout semble naturel. C'est au lecteur de comprendre comment sont reliés les différents éléments qui composent cette oeuvre, c'est à lui de saisir toutes les subtilités du récit, à lui de voir que rien n'est laissé au hasard et que, une fois l'apogée atteinte, tout a un sens, même ce qui n'en a volontairement pas de prime abord.

Victime d'un destin qui ne lui laisse aucune chance de s'échapper, Kafka finira par atteindre la ville derrière la forêt, comprendra la nature de son existence, et saura où aller.

Nakata quant à lui terminera l'oeuvre qui le laissa inachevé, et retrouvera cette moitié d'ombre qui lui manque.

Derrière toutes ces ramifications, toute cette complexité, toute cette saturation, subsiste une vérité unique, immuable, qui attend le moment opportun pour apparaître.

Une oeuvre à part entière, détachée du monde et pourtant reliée à tout ce qui existe.