Je suis le gardien du phare regroupe plusieurs courts récits fantastiques, où, chaque fois, un personnage, évoluant dans un monde différent et pourtant proche du nôtre, semble être seul. De l'homme retranché dans un monastère au gardien de phare isolé en pleine mer, en passant par le voyageur qui se retrouve dans une ville rayée de la carte, chacun expérimente un aspect de la solitude. Chacun a fui le monde et son ancienne vie.

Mais chaque héros est-il vraiment seul ? Tôt ou tard chaque "héros" de ces récits sera confronté au monde, sous quelque forme que ce soit. L'homme du monastère apercevra une femme échouée sur la plage, le gardien de phare aura l'impression qu'une autre personne vit dans son phare, etc.

Face à ces récits la question "Peut-on vivre seul ?" se pose alors. La réponse apportée est "Non". Au delà des simples faits chaque "héros" essaiera une nouvelle forme de fuite et de solitude : vie ecclésiastique dans un monastère, création d'un "nouveau monde" dans un phare où nul autre ne peut pénétrer, déni des souvenirs, but inaccessible à atteindre, chacun se renferme, emprisonné par ces différentes raisons qui conduisent toute à une apparente solitude.

Et pourtant, aucun des "héros" ne parviendra à rester seul. Chacun se retrouvera à nouveau confronter au monde extérieur et devra faire un choix entre sa solitude et les autres.

Le récit éponyme du titre du recueil est probablement le plus abouti et le plus marquant des récits qui composent ce livre (avec "Frontières"). Ce gardien de phare fait l'éloge de son phare, de sa liberté, de sa solitude, et, pourtant, il ne cesse de parler du monde extérieur et reste en contacts avec lui (ce gardien de phare, qui s'estime plus libre que les gens de la terre stressés et ne rêvant que d'être promus à leur travail, parle très souvent de son envie de faire parfaitement son travail afin qu'un éventuel inspecteur fasse un bon rapport sur lui et le fasse gagner en grade). Quand il apercevra, au loin, une lumière il se plaira à rêver, jour et nuit, d'une éventuelle gardienne de phare qui l'observerait, de là-bas, et qui partagerait un peu sa vie. Finalement son récit est plus empreint du monde qui l'entoure que de son apparente solitude.

Lui qui se prétend libre et indépendant est finalement aussi "prisonnier" du monde que n'importe qui d'autre.

Le style clair et limpide de ces récits rend leur lecture très facile. De plus Eric Faye maîtrise parfaitement l'écriture et ses nuances, si bien que tout se déroule sans anicroche, sans heurt. Les personnages principaux, leurs émotions et leurs intentions ne laissent jamais place au doute et sont d'une rare clarté, et ce dès la première page. En outre le message de chaque récit est à la fois simple, facile à voir, et pourtant subtil et explicité discrètement. On n'a jamais l'impression que l'auteur martèle un message de manière lourde et abusive, sans avoir pour autant l'impression de ne lire qu'un bête récit sans profondeur.

En quelques mots : un livre à lire.